Tribune parue dans Marianne :
Pour Guillaume Etievant, Secrétaire national à l’Economie et au Travail du Parti de gauche, ceux qui, comme l’économiste Philippe Aghion, proposent un Smic différent selon l’âge ou la situation géographique, font fausse route. Selon lui, « les promoteurs de l’orthodoxie néolibérale qui ont les bonnes grâces de François Hollande continuent à rabâcher des méthodes qui ont pourtant prouvé leurs échecs ».
La proposition des économistes tels que Philippe Aghion, d’augmenter encore plus la flexibilité du marché du travail tout en sécurisant les parcours professionnel par une meilleure politique de formation professionnelle est vouée à l’échec : les salariés précarisés et mal payés, même dans le système rêvé par Aghion qui leur permettrait de passer d’un emploi à l’autre sans difficulté, ne seront que des pions dans le jeu des actionnaires. Et celui-ci n’a qu’un but : augmenter leur taux de profit. La multiplication des cadeaux fiscaux ces dernières années le prouve : le crédit impôt recherche représente une rente financière pour les grands groupes et ne bénéficie que très peu aux efforts concrets de recherche. Quant aux allégements de cotisations sociales, ils n’ont jamais permis de diminuer le chômage. Déjà en 2009, même la Cour des Comptes affirmait que « s’agissant des allègements généraux sur les bas salaires, leur efficacité sur l’emploi est trop incertaine pour ne pas amener à reconsidérer leur ampleur, voire leur pérennité. »
Le modèle suédois n’est pas un exemple
Quand à défendre une disparition ou une baisse du Smic, c’est non seulement une aberration sociale (qui peut vivre décemment avec moins de 1 128 euros par mois ?) mais également un non-sens économique. D’abord, contrairement aux idées répandues, de nombreux pays ont des salaires minimum plus élevés qu’en France (Luxembourg, Belgique, Pays Bas, Irlande, etc.) Ensuite, une diminution du Smic aurait des conséquences désastreuses sur l’activité car les ménages touchant le Smic consomment l’intégralité de leurs revenus. Cela accentuerait également les inégalités femme-homme puisque les femmes sont près de deux fois plus souvent au Smic que les hommes.
Les promoteurs de l’orthodoxie néolibérale qui ont les bonnes grâces de François Hollande continuent donc à rabâcher des méthodes qui ont pourtant prouvé leurs échecs. Ils ont même la prétention d’appeler cela de « nouvelles idées » alors qu’elles ne sont que l’éternelle répétition des principes réactionnaires. Il est regrettable que le système politique et médiatique fasse si souvent la promotion de cette économie de la misère, pourtant contredite en permanence par les faits et qui n’a que des impacts négatifs pour la population. L’économie doit être une arme intellectuelle pour comprendre et améliorer le monde, et non pas un outil de propagande justifiant les politiques antisociales et permettant à certains « experts » de maximiser leur rente financière et leur gratification symbolique tout en masquant les intérêts qu’ils servent derrière une autoproclamée neutralité.
* Changer de modèle, de nouvelles idées pour une nouvelle croissance, Philippe Aghion, Gilbert Cette, Elie Cohen, Ed. Odile Jacob, avril 2014.